« Ce sont eux qui sont beaux. J’ai eu tort ! Oh ! comme je voudrais être comme eux. Je n’ai pas de corne, hélas ! Que c’est laid, un front plat. Il m’en faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. Ça viendra peut-être, et je n’aurai plus honte, je pourrai aller tous les retrouver. Mais ça ne pousse pas ! (Il regarde les paumes de ses mains.) Mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? (Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa poitrine dans la glace.) J’ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur ! »
Eugène Ionesco, Rhinocéros, éditions Folio Gallimard, 1959
À partir de ce fragment de texte, trois corps sont à imaginer. Celui du corps humain, au front plat et laid, aux traits tombants, aux mains moites, à la peau flasque, trop blanche et trop poilue, l’autre, le corps animal, le rhinocéros (à vous de vous documenter pour savoir, comprendre sa morphologie) et le dernier l’hybridation, entre corps humain et rhinocéros, un corps en pleine mutation, transformation.
Votre défi sera celui de faire comprendre la beauté du corps du rhinocéros et la laideur du corps humain. Qu’est-ce qui pourrait bien donner l’envie, le besoin de changer sa peau contre une autre ? Pouvons-nous ici envisager la sublimation et réfléchir au pourquoi de l’effacement de l’identité humaine ?
À vos monstres, prêts ? Partez !
Références : les artistes Orlan, Damien Hirst, Trina Merry, Gesine Marwedel, Guido Daniele.